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Captive de Margaret Atwood

Parmi mes lectures de l'été, j'ai relu l'excellent roman Captive de Margaret Atwood.

Résumé :


"1873. Grace Marks, seize ans, est condamnée à la réclusion à perpétuité pour le double meurtre de son jeune employeur et de sa gouvernante. Victime sous emprise ou monstre en jupons ? Face à l'échec des rapports psychiatriques, le Docteur Jordan s'empare du dossier, bien décidé à la sortir de son amnésie. Mais pourquoi lui cache-t-elle les troublants rêves qui hantent ses nuits ?


Inspiré d'un sanglant fait divers qui a bouleversé le Canada du XIXe siècle, Margaret Atwood nous offre un roman baroque où le mensonge et la vérité se jouent sans fin du lecteur."

 

Avis :

Note : A


J'ai lu Captive pour la première fois quelques mois avant l'ouverture du blog et je l'avais beaucoup apprécié. Pendant les trois dernières années cette histoire a fait partie de la liste des livres dont je voulais vous parler mais lorsque j'ai voulu me lancer je me suis rendue compte qu'hormis le sentiment général très positif, je n'avais plus d'arguments pour étayer ma critique. J'ai donc décidé de relire ce roman pour vous en faire la critique et j'ai tout autant apprécié ma lecture !


Bien que romancé, l'histoire de Grâce Marks est avant tout historique et on sent que Margaret Atwood a fait de nombreuses recherches aussi bien sur ce fait divers que sur l'époque en elle-même et ses mentalités. Les introductions de chapitre en sont une preuve frappante ; il s'agit des retranscriptions des articles de journaux de l'époque, d'extraits de journaux intimes ou encore de la confession de Grâce et Mc Dermott. Le second point frappant est la manière dont Atwood a su retranscrire les mentalités du XIXème siècle, notamment concernant la place des femmes et les relations hommes/femmes. Chaque personnage masculin, même bienveillant, est paternaliste et condescendant vis-à-vis de Grâce qu'ils prennent tous de haut, ce qui pour le lecteur moderne, accentue l'empathie envers le personnage principal. Enfin, le fait qu'Atwood ne prenne pas partie sur l'innocence ou la culpabilité de Grâce reste fidèle à l'Histoire puisqu'on trouve autant d'arguments pour que contre dans les archives de l'époque.


L'histoire en elle-même est racontée à travers trois narrations différentes. Tout d'abord le lecteur suit, à la première personne, Grâce : son récit ainsi que ses pensées. J'ai trouvé très intelligent de la part de l'auteur de ne pas prendre partie aussi avec ce type de narration et elle procède de manière très élégante. En effet, le lecteur est le plus souvent dans la tête de Grâce mais au fur et à mesure qu'elle avance dans son histoire, de moins en moins de pensées du personnage sont accessibles au lecteur. Seul son discours face au docteur Jordan est rapporté : soit son discours direct soit ce qu'elle compte lui raconter mais jamais ce qu'elle pense vraiment. Le lecteur navigue donc dans un flou pouvant prendre partie d'un côté ou de l'autre puisque l'histoire qui nous est narrée est celle que Grâce souhaite raconter sans que nous sachions s'il s'agit de la vérité. La scène de l'hypnose, uniquement racontée à d'un point de vue externe, apporte au lecteur un argument supplémentaire dans un sens comme dans un autre, selon la manière dont vous voyez Grâce.


Le second narrateur, celui de la scène de l'hypnose, est à la troisième personne et suit le point de vue du docteur Simon Jordan dans Kingston en dehors de ses échanges avec Grâce. J'ai mis plus de temps à rentrer dans cette partie de l'histoire car elle me semblait déconnectée de la trame principale et suivait un personnage que je trouvais secondaire. Mais petit à petit le docteur Jordan prends plus de consistance et a son propre arc narratif ce qui permet de s'intéresser à ces moments de narration. Ces interludes dans l'histoire principale permettent de plus d'ajouter du contexte à la narration de Grâce ainsi que des précisions sur les mentalités du XIXème siècle. J'avais noté la sexisme ambiant à ma première lecture mais je ne m'étais pas rendu compte à quel point les femmes, principalement célibataires, étaient assimilées à des objets pour les hommes avant la rencontre entre Simon et l'avocat de Grâce. J'ai particulièrement apprécié cette focalisation du récit qui n'est finalement pas là où on le croit. Bien que le but du Dr Jordan est de faire parler Grâce pour statuer sur sa folie, sa culpabilité ou son innocence, Captive va bien plus loin. C'est l'histoire de ces femmes et filles qui tentent d'échapper à la pauvreté et de se faire une place auprès d'hommes et dans une société qui les méprisent… et c'est passionnant !


Enfin le troisième mécanisme de narration est épistolaire, principalement la correspondance du docteur Jordan. Alternant entre l'intime et l'officiel, ces lettres éclairent sur les points de vue des différents personnages secondaires face à l'histoire de Grâce et ancrent le récit dans la réalité.


Le style d'Atwood, changeant selon la narration, est d'une grande justesse et toujours aussi précis et agréable. C'est une lecture passionnante que je vous conseille grandement !


 
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